Cote d’alerte maintenue. Les mots et les bonnes intentions ne suffiront pas. Créons activement la solidarité européenne. Maximiser nos apports. Le «pot européen » pourrait être dupliqué en organisant un emprunt commun à tous les pays à l’image de ce qui fut fait pour le Covid.

La défense : un fric fou ou un fric de fous ?

Beau sujet de dissertation. Mais, à l’épreuve de la guerre en Ukraine, la réalité du terrain doit primer sur toute autre considération. Il est vain de nourrir des polémiques qui mettent en opposition ceux qu’on qualifie, parfois sommairement de pacifistes, des options belliciste, façon Churchill ou de résistance brevetée, manière De Gaulle.

Les sombres prévisions de la CIA annonçant la défaite de l’Ukraine dans l’année et le catastrophisme affiché par les dirigeants de l’OTAN ont contribué à redistribuer les cartes. Aux Etats-Unis, après trois mois de tergiversations, le Congrès n’ouvre pas toutes les vannes comme il faudrait le faire et avec l’urgence nécessaire. Inquiétude donc ! Des Républicains du Congrès auraient-ils perçu ce que serait leur responsabilité historique face à un dénouement du conflit qui consoliderait Poutine et son allergie de l’Occident ? Ne pas trop vite crier victoire, même si Trump ne s’emploie pas trop à brouiller les cartes, conseillant aux Européens de mouiller un peu plus leurs chemises. On le savait gonflé. On le sait menteur. Manipuler les chiffres est chez lui une habitude. « L’Océan qui sépare les Etats-Unis du théâtre des opérations a permis à l’Ukraine d’engranger des aides militaires américaines bien supérieures à celles octroyées par ses voisins géographiques de l’Europe. Pas entièrement faux ! Mais un sérieux correctif s’impose. C’est vrai sur le plan militaire mais, globalement, la contribution de l’Europe est supérieure à celle des Etats-Unis. Une fois de plus, personne ne s’est ému en voyant le nez de Trump s’allonger ! Il n’est pas à une contre-vérité près !

Ces passes d’armes électorales vont se poursuivre et elles finiront par être considérées comme l’écume des jours. Elles auront toutefois permis au candidat Trump de consolider son ego et ses chances pour un nouveau mandat à la Maison Blanche.

L’essentiel se joue sur notre vieux Continent. On pourrait reprendre avec humour les conseils du bon Monsieur de la Fontaine à propos de la cigale et de la fourmi. Nos pays ont dépensé dans beaucoup de domaines, ignorant pour la plupart le renouveau de la Défense. Faire se lever une armée européenne est toujours une chimère et elle restera longtemps dans les limbes.

Nous pourrions cependant accéder au Purgatoire et éviter l’Enfer ! L’Europe est un puzzle de moyennes puissances. Les budgets des pays européens sont dans le rouge à des degrés divers. L’exigence est de dégager des fonds substantiels pour aider militairement l’Ukraine et la doter des atouts modernes assez dissuasifs pour résister et mettre un terme à l’agression russe. Être solidaires. Débloquer les armements attendus depuis trop longtemps. Le « pot commun européen » du Covid doit être dupliqué pour la sauvegarde de l’Ukraine et de nos démocraties. Donnons le feu vert à un grand emprunt commun aux pays de l’Union. C’est vital ! En juin de cette année, le rendez-vous urnes ne sera pas le seul défi pour l’Europe. On présentera aussi au niveau européen le budget communément appelé « budget des voies et moyens ». A surveiller comme le lait sur le feu ! Se souvenir et prendre en considération que la Fédération de Russie dispose, hors aides extérieures, de 64 milliards d’euros pour ses dépenses militaires. Si on totalise l’ensemble des dépenses militaires des différents pays européens, évalués à leur niveau actuel, l’Union approche les 240 milliards d’euros. Et ce n’est pas mince dans un rapport de forces ! Pour émerger à son avantage du conflit, l’optimisme et le courage du peuple ukrainien sont de précieux atouts, à relayer par notre détermination. Travailler ensemble au niveau européen n’est pas une chimère. Le succès d’Airbus est un exemple. Sans céder à la grandiloquence, reconnaissons que c’est l’heure du choix ! Il est commun à tous, même à titre individuel. Il importe aussi de gagner la bataille de l’opinion.

S’endetter à titre individuel ou au niveau de la Nation est un choix. Cela peut être perçu négativement et critiqué. Le faire sans concertation avec les autres pays européens est stupide. Ce serait une grave faute, un handicap sérieux, observe le commissaire européen Thierry Breton dans l’analyse qu’il fait de la situation.

Offrons-nous un moment de lecture du « Petit Larousse » et méditons sur la définition du mot « Union ». La défense commune à nos intérêts vaut plus qu’une messe ! Elle devrait être précédée du mot « contrition » et accompagnée d’un acte de foi, sans faux-semblant. Nous pourrions ainsi prétendre à la fonction de « missi-dominici » chère à Charlemagne et revendiquer pour chacun de nous le prix européen en hommage à l’Empereur.

Maurice Peeters, journaliste politique