Ils sont les vrais «damnés de la terre »qui ne sont pas pour autant les «forçats

de la faim ». Au contraire, ils garnissent nos assiettes et le pourcentage de l’opinion publique ferait pâlir de jalousie un apprenti-dictateur !

«Les champs enlisés» titre Libération en référence au projet des agriculteurs de dresser une banderole au sommet de l’Etoile. Un clin d’œil tout de sympathie et ironique. Comme le sont les commentaires

d’une presse si versatile qui, après avoir salué l’action du Premier Ministre Gabriel Attal, observe qu’il est un « jeunot » qui n’a pas trait de vache, ni chaussé de bottes. Il serait illégitime pour s’adresser au monde paysan…

« Les Iridents de la Colère », venus de toute l’Europe, ont fait trembler le pavé bruxellois il y a près d’un demi-siècle. Aujourd’hui les tracteurs

quadrillent le réseau routier de l’Hexagone et dressent des barrages. Les manifestants reçoivent le sourire des forces de l’ordre quand ils se livrent à des lancers de bouse. Mais l’impasse dans laquelle la profession se trouve s’est élargie et le garrot est resserré autour du cou. En France on enregistre un suicide d’agriculteur tous les deux jours ! L’Europe, cœur de cible? La politique agricole commune est plus qu’appréciable, mais elle ne bénéficie pas à tous. La profession est si diverse. Les exigences et les modes de rémunération aussi. Consommateur dans les grandes surfaces, nous avons un comportement schizophrène : un soutien affirmé au label français et un comportement contraint à faire des économies et à acheter au plus bas prix. Les rôles ne sont pas ni correctement, ni assumés avec les producteurs, la grande distribution et les exigences mal assumées. Les histoires d’adaptation des normes européennes, le zèle de l’administration française à les appliquer fait ressurgir le fantôme de Courteline. Mais ce n’est plus une comédie, c’est un drame ! Ce serait idiot et surtout contre-productif de condamner sans appel le libre-échange. Il y a dans ce concept le mot « libre » et c’est précieux. Cela peut être aussi redoutable car, à l’image du libéralisme le plus débridé, il pose de graves problèmes de compétitivité et de survie pour el monde agricole. Producteurs et grande distribution poursuivent sans grand scrupule leurs numéros d’illusionniste. Effet délétère : ils rendent audible la « lutte des classes » et de manière caricaturale. Il n’y a rien à attendre des idéologies

mortifères et de ceux qui, de manière univoque, vouent l’Europe aux gémonies. Elle est comme la langue d’Esope la pire et la meilleure des choses

Gabriel Attal veut aider à un sursaut du monde agricole. Nous devons collaborer à un sursaut pour défendre les idéaux démocratiques sur notre vieux continent. Il serait simpliste et contre-productif de désigner l’Europe comme le bouc-émissaire, responsable de tous les malheurs. Elle peut être tenue responsable de choix peu appropriés, elle est aussi et reste à la base d’un renouveau et d’espérance.

Le « souverainisme » a cessé d’être un gros mot. Et je m’en félicite si on s’en réfère et si on agit en son nom mais de manière tempérée. Des actions menées dans ce sens peuvent assurément s’avérer judicieuses. Hier, on se bouchait les oreilles quand on se revendiquait nationaliste. Il est la guerre, disait-on. La guerre est à nos frontières et il serait bon de lui substituer le patriotisme à l’échelle européenne. L’essentiel sera de ne pas bouder les urnes aux élections européennes de juin prochain. L’Europe doit être repensée et allégée de normes, règlements de toutes natures, qui pénalisent au lieu de libérer. Mais le citoyen européen a un devoir: tout faire pour enrayer la déferlante populiste qui veut s’octroyer le monopole de la réponse à tous les désarrois. Elle doit aussi dégager l’opportunité de mener à bon port le développement en commun de nos atouts militaires. Le concept de défense européenne est et restera longtemps encore une chimère. Rien n’interdit de se doter ensemble des armes les plus efficaces. Souscrire à un emprunt européen comme on le fit sur le plan sanitaire lors de la crise du Covid. Le faire pour assurer la paix et la sauvegarde de notre démocratie. Salutaire et urgent !

Maurice Peeters, journaliste.