La barbarie, instrument de mort, menace de tous les fanatiques.
Edgard Morin : Face aux polycrises et à l’affaiblissement des démocraties, il est indispensable de restaurer et entretenir un débat public fécond.
Juifs ou Palestiniens, ils ont vécu l’espoir et les tourments, l’histoire de peuples aux carrefours de l’acharnement dans l’aveuglement et l’horreur, une danse macabre avec son cortège de cauchemars à répétition. Certains ont cru pouvoir proclamer la victoire comme d’autres promettent la défaite. Triste héritage. De part et d’autre, durant des décennies, il y eut peu de gestes d’attention pour privilégier la débauche de rejets et de haines florissantes. Quelle douleur accable ? Quelle détresse abat ? Les images que la barbarie de Hamas décline oblige à saisir et fixer l’image pantelante de notre humanité.
J’entends dire ici et là : il faut tout contextualiser. Ce sera le travail de géo-politiciens et d’historiens. Viendra le temps de distribuer les accents de lumière pour la juste compréhension de la folie meurtrière et aussi des analyses borgnes de dirigeants israéliens, la provocation criminelle de l’extrême droite associée au gouvernement, pour qui les Palestiniens sont “des cafards à écraser”. Chaque camp sera mis en procès.Alors, viendra le temps d’apporter les accents de lumière, en espérant ne plus y répondre en creusant les ombres et les tombes. Inexcusables, impardonnables sont les exactions, les crimes du Hamas. Dans la prison à ciel ouvert de Gaza – deux millions d’habitants, âge médian : 18 ans, taux de chômage : 45% – beaucoup de Palestiniens sont victimes des terroristes fanatiques du Hamas. Ils sont ces fous de Dieu qui proclament l’enfer sur terre à ceux qui ne s’inclinent pas devant lui.
La préoccupation est que, partout dans le monde, le radicalisme est à l’œuvre. Et il sera, d’une manière ou de l’autre, mortel. La barbarie que nous avions cru être derrière nous depuis 1945 est apprivoisée, encouragée par tous les despotes. Il ne peut y avoir aucune ambiguïté, aucune équivoque dans le jugement face à cette folie satisfaite de ses outrances et de ses crimes.
Lueur d’espoir : la leçon de jouvence donnée par un centenaire : Edgard Morin. Ce sociologue et philosophe qui a soufflé 102 bougies réclame d’être clair sur le sens du débat à engager : favoriser l’échange d’arguments, cultiver la nuance indissociable de la complexité, résister aux outrances, aux fureurs. Et d’observer que notre époque comporte davantage de questions que de réponses. Analysant les soubresauts de la vie sociale et politique, Edgard Morin rappelle que « nous naviguons dans un océan d’incertitudes, ravitaillées de temps en temps par des îlots de certitudes. Et de citer Pascal : « Le contraire d’une vérité n’est pas toujours l’erreur, ça peut être une vérité contraire. » S’inquiétant de l’affaiblissement de la démocratie dont l’existence même est menacée, il recommande de voir la part de vérité dans l’idée que l’on contredit. C’est, ajoute-t-il, crucial pour surmonter les incompréhensions.
Maurice Peeters, journaliste.